Pour des retrouvailles... très attendues !

Le vent était frais, glaçé presque, et la peau de Luyana frissonnait de cette température, due à la vitesse excessive du dragon qui la transportait. Petite, elle observait son oncle monter Kaséïope, mais elle ne l’enviait pas plus que cela. En grandissant, elle s’était sentit plus confiante sur un cheval. Et voilà que la comparaison avait enfin une raison d’être : elle volait pour la première fois sur le dos d’une de ces créatures légendaires ! Pas très à l’aise, elle profita néanmoins du paysage, qui passait à vive allure, et aurait volontiers apprécié la caresse d’Eol si celui-ci s’était montré plus chaleureux ! Déjà, un château se dessina à l’horizon, et ce ne fut pas long avant que la jeune femme se « jette » littéralement à dos du dragon pour enfin fouler le sol !

« Aaaahhh » poussa-t-elle avec soulagement. « La terre ferme ! »

Mais il manquait à ce paysage somptueux quelques notes de couleur. Elles ne tardèrent pas à se montrer, vert émeraude et rouge éclatant teintant les plumes d’un oiseau magnifique. Anuki, le quetzal de Luyana, n’avait pas quitté des yeux sa maîtresse, et se posa en douceur sur son épaule dénudée. Aussitôt gratifié d’une caresse, il se frotta contre la chevelure châtain de l’amérindienne, qui regrettait cependant la présence de son autre compagnon. En effet, son mustang n’arriverait que plus tard, par voie aérienne lui aussi, mais pas à dos de dragon ! La jeune femme posa ses yeux un peu partout, cherchant ses bagages, pas bien lourd, mais qui lui étaient indispensables. Et c’est en faisait cette inspection qu’elle vit une personne s’approcher d’elle.

La directrice se mit à rire quand la petite dragonne devant elle se trémoussa pour retrouver sa mère. Elle marchait avec vitesse et elle se prit les pieds dans son frère qui était allongé devant. Dans sa chute, elle poussa un grondement qui fit flamber sa gueule, et faillit bien faire goûter un baiser de souffre à sa mère.

La grande dragonne bleue, Kaséïope eut une sorte de ronronnement devant le spectacle. Cependant, elle tourna bientôt la tête. Un dragon arrivait, et c'était celle que la fille de Charles Eidos attendait.
Elisabeth comprit sans que rien ne soit dit et salua la petite famille avant de quitter le grand nid, aidée par un elfe gardien des lieux.

La directrice observa le dragoport, cherchant des yeux celle qu'elle n'avait pas vu depuis si longtemps. Elle savait qu'elles se reconnaîtraient. Comme d'ailleurs cela avait été le jour malheureux où Elisabeth avait dû dire adieu aux trois hommes de sa vie.

Cependant, elle fut déjà attirée par la silhouette commune d'une élève avançant dans le dragoport.

Minako Sasuma, les oreilles dressées sur la tête, se dirigeait vers une femme à la silhouette parfaitement familière.
Un sourire se dessina sur les lèvres d'Elisabeth en apercevant Luyana, et un sentiment de sereinité empli son coeur. Les retrouvailles qui allaient arriver ne pouvaient mieux tomber pour la jeune femme.

Eli se décida enfin à bouger. Contrastant avec sa cousine de coeur, elle semblait comme une étrange ombre arrivant vers Luyana. Une ombre par sa robe de couleur ébène, qu'elle n'avait pas encore su troquer contre une couleur différente, mais étrange par son visage souriant, aux joues roses et aux yeux d'un vert lumineux.
Ses longs cheveux bruns étaient figés dans sa coiffure traditionnelle, mais si le vent avait fait voleter quelques mèches, celles-ci descendaient en torsades sur les joues de la directrice, et elle les laissait maintenant goûter cette liberté.

Elisabeth arriva enfin devant sa cousine. La femme avait été abordée par Minako, et cette dernière lui proposait de l'accompagner au château. Quel elfe avait donc cru qu'Elisabeth ne viendrait pas chercher sa parente elle-même?

"Merci Melle Sasuma. Votre proposition est très gentille mais je vais me charger moi-même de conduire Melle Eidos au château."

Ce disant, elle souriait à sa cousine, l'air apaisé et un précieux message dans les yeux. Le bonheur de la retrouver était presque palpable, mais Elisabeth attendait d'être seule avec sa cousine pour manifester clairement son sentiment. Devant Minako, elle restait avant tout la directrice de l'école, et son professeur.

La personne qui s’approchait de Luyana était une petite élève à la tête surmontée d’oreilles de chat. Elle venait gaiement près d’elle, et se présenta poliment, mêlant à ses paroles des mots japonais. Luyana avait eu la chance de beaucoup voyager, et ne fut surprise ni de son apparence ni de cet accent venue de l’Asie.
Par contre, elle s’étonna qu’une élève vienne accompagner un professeur. Intérieurement en effet, elle était déçue de ne pas voir Elisabeth, mais se réjouissait déjà de leurs futures retrouvailles, sûrement dans son bureau. La jeune femme sourit à l’aéri et répondit :

« Konnichi wa Minako. Je suis Luyana Eidos. » Elle ajouta tout en baissant la tête « Arigatô, je serai ravie de faire le chemin avec toi »

Elle avait déjà laissé s’envoler le quetzal aux couleurs scintillantes pour pouvoir commencer la marche, et être libre de ses mouvements. Sa peau frissonnait encore, mais un peu plus de mobilité la réchaufferait sûrement. Il est vrai que ce n’était pas sa simple robe de coton beige qui pouvait la protéger des éléments !
Suite à ces propos, et alors même que le parcours vers le château allait débuter, une silhouette se dessina près d’elles. La voix d’Elisabeth résonna aussitôt, surprenant Luyana. Pourtant, elle ne se préoccupa pas de ses dires : ses yeux restaient accrochés sur chaque parcelle du visage de la directrice d’Elementia, sur chaque nouveauté qu’elle avait manqué depuis 8 ans.

La jeune femme s’en voulait un peu de ne pas avoir vu arrivé sa cousine. D’ailleurs, elle aurait du se douter que celle-ci ne la laisserait pas longtemps seule ! Et en effet, elle était là. Luyana reconnaissait en elle les traits de la jeune fille qu’elle avait vu à un certain enterrement, mais elle voyait de plus en plus se mêler des expressions de Charles et de sa femme. Elle était belle la petite Ayasha, avec ses yeux d’émeraude et son air tranquille, faussement troublé par un chignon sévère. Digne et paisible, Luyana ne doutait pourtant pas qu’elle soit hantée par quelques fantômes. Après tout, la couleur de sa robe montrait bien que le deuil ne se ferait jamais totalement.
L’amérindienne en fut attristée, mais elle avait avec Elisabeth bien plus de souvenirs heureux qu’il en fallait pour éclipser ce noir évènement. Elle esquissa un sourire qui tentait péniblement de retenir un rire joyeux : elle était si heureuse de revoir sa cousine, son amie fidèle qui l’avait elle aussi adoptée ! Ses yeux d’ailleurs pétillaient de l’envie de voir ses retrouvailles pleinement satisfaites.

Néanmoins, elle comprenait la réserve de sa cousine face à une de ses élèves. Elle avait un rôle important, et, oh oui, Luyana se doutait qu’elle devait en être digne… comme son père.

La jeune élève Aeri salua ses deux professeurs, les deux invraisamblables cousines, et s'éclipsa discrètement, comprenant le besoin d'intimité des jeunes femmes.

Elisabeth et Luyana ne s'étaient pas encore parlées directement. Et le silence resta encore quelques instants. Quels mots pourraient être les meilleurs pour reprendre contact après tant d'année? Quels mots pourraient peindre uniquement la joie et ne pas ternir déjà la conversation par de douloureux souvenirs?

"Je suis ravie de te revoir ici Luyana... Comment vas-tu?" furent ceux choisis finalement par Elisabeth. Elle avait lâché les "armes" et décidé que les mots viendraient seuls, comme l'instinct les portait. Elle ne pouvait pas, de toute façon, agir autrement quand dans la franchise et la transparente avec celle qui était de sa famille.

Elisabeth leva alors la tête. Kaséïope, dans vol circulaire, couvrit l'ensoleillement sur les deux femmes, c'était son salut à la nouvelle Eidos arrivant dans l'école. Elle retourna ensuite jusque son nid, suivit par le sourire d'Elisabeth.

La directrice commença alors à faire quelques pas. Elle n'avait pas osé être plus démonstrative finalement. La petite Ayasha aurait bien serré dans ses bras son ancienne camarade de jeux, mais Elisabeth Eidos avait oublié ses élans du passé.

Minako eut bientôt disparu, laissant Luyana et Elisabeth en face l’une de l’autre. La jeune femme n’osa pas bouger. Elle aurait pourtant aimé caresser un peu le visage de sa cousine, relevant ses mèches rebelles pour lui déposer un baiser sur la joue, mais il y avait comme une pudeur silencieuse entre les deux femmes. Leurs regards suffirent, jusqu’à ce qu’Elisabeth se décide à parler.

Les mots furent banales, mais il y en avaient tant d’autre dissimulés entre les lignes que Luyana s’en contenta, et répondit tout d’abord par un sourire entendu. Elle se rendait compte, maintenant en face de cette sœur de cœur, combien la présence de sa famille lui avait manqué.
« Je suis très heureuse d’être avec toi également, Ayasha. » Elle n’avait pas hésité à réutiliser ce surnom d’enfant. Pour elle, il ne représentait que des bons moments. Si Luyana comprenait le refus de la directrice de se faire nommer Lizbeth, elle voyait celui qu’elle donnait à sa cousine comme un clin d’œil joyeux, et non mélancolique.

« Le voyage fut… intense, mais je te laisse la joie de voler sur un dragon ! Je préfère la terre ferme ! » annonça-t-elle comme réponse à la question de sa cousine. Et comme pour illustrer ces propos, la majestueuse dragonne de Lord Eidos vint les saluer. Luyana la regarda passer avec en mémoire les autres moments où elle la contemplait, elle, petite enfant aux yeux remplis de questions. Elle ne put s’empêcher de la trouver sublime, et tout à fait en harmonie avec son élément, et par extension avec sa nouvelle maîtresse.

Elisabeth manifesta le désir de commencer le parcours vers le château. Luyana sentait comme un changement en elle. Etait-elle, tout comme elle, troublée par cette rencontre qui faisait à la fois remonter de merveilleux souvenirs, et des plus douloureux ? L’amérindienne suivit sa cousine sur quelques pas rapides, avant d’attraper le poignet d’Elisabeth pour la faire stopper.

Leurs doigts s’entrelacèrent selon la volonté de Luyana. La dernière fois que la jeune femme avait ainsi serré la main de sa compagne de jeu, le temps n’était plus à la gaîté, mais aux adieux… A l'enterrement de Charles... La jeune femme serra doucement sa paume contre celle d’Ayasha, et elle sentait sa peau se réchauffer de ce simple échange. A moins que ce ne soit son cœur… Car en réalité, ce simple geste était comme une communion, de leurs âmes et de leurs souvenirs. Ses prunelles violettes étaient plongées dans celle d’Elisabeth dans un instant de plénitude, un court moment de paix teinté de nostalgie.

« Mon père t’embrasse » fut la phrase lancée par Luyana en même temps qu’elle libérait cette étreinte et regardait vers l’horizon. Tout comme Lizbeth un peu avant, elle avait voulu dire ce qui lui tenait à cœur pour rompre un moment intense mais qui ne devait pas s’éterniser. Et puis, un jour ou l’autre, elle en viendraient à parler de leurs parents respectifs.

Elisabeth sourit vivement à l'évocation de son surnom, celui que seule sa cousine lui avait donné. Il voulait dire, la "petite", et si aujourd'hui ce n'était plus vraiment d'actualité, elle l'accepta avec plaisir.

"Oh, quand, même, j'ai prit quelques centimètres! " dit elle en levant la tête pour se grandir.

Elle prit alors une bouffée de souvenirs, où elle revoyait Luyana, perdue dans la "discipline" de la ville, étonnée qu'on la rattrape à l'orée des bois, la surveillant dans ses éventuelles sorties.
Elle revoyait aussi avec amusements leurs "échappées", quand elles essayaient de pister des animaux magiques, croyant le faire en toute liberté et en cachette des adultes alors qu'en fait, ils étaient quelques pas derrière elles. Les enfants savaient facilement plonger dans l'imaginaire.

Alors qu'elles avaient commencé à marcher, sa cousine la stoppa en lui attrapant le poignet.
Elisabeth s'arrêta en effet et la regarda. Dans cette étreinte simple et dans leurs yeux passèrent le plaisir de leurs retrouvailles, la paix de leurs âmes complices, et l'amour fraternel qu'elles se portait.

Quand l'étreinte cessa, Luyana parla de son père, l'oncle d'Elisabeth l'embrassait.

"Comment va-t-il? Il me manque souvent, j'aimerai le voir plus régulièrement."

Plus régulièrement était un faible mot, elle ne le voyait pratiquement jamais, même si ils correspondaient tout de même régulièrement. La dernière fois qu'elle l'avait vu, elle avait été frappée par sa ressemblance avec son défunt frère et avait du surmonter ce choc étrange d'avoir l'impression de revoir Charles devant elle, tout en sachant que c'était impossible.

La marche reprit doucement, et Elisabeth rajouta.

"Tu m'as aussi manquée Luyana, je t'ai déjà dit que j'étais heureuse de te revoir?"

Soudain, la carapace de la directrice se brisa, se fendant comme son sourire grandissait et elle enlaça sa cousine comme une enfant l'aurait fait à l'époque. Elle mettait tout son plaisir en cette étreinte, mais elle y ajoutait aussi l'étreinte qu'elle n'avait pu lui donner, presque 8 ans auparavant où la douleur avait rendu leur retrouvaille rigides.

Elle se redressa ensuite, riant de la joie enfin exprimée.
Les pas purent reprendre, bien plus légers, bien plus faciles. Des pas vers le château, où maintenant elles seraient réunies, ce lieu où Elisabeth pourrait, de nouveau, enfin, avoir une famille.

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» Les retrouvailles de deux amis-amoureux!
» Tres very important